Quand la philosophie s'invite à l'hôpital

Depuis 2022, le Grand Hôpital de Charleroi a engagé un philosophe hospitalier. Si des philosophes interviennent ponctuellement dans les hôpitaux, la création de cette fonction en interne, au service des soignants, est une grande première. Découvrez Jérôme Bouvy et son rôle au sein de notre hôpital.

C’est une offre d’emploi inédite que nous avons publiée. Qu’est-ce qui t’a poussé à postuler 

C’est une offre qui interpelle ! Et cela m’intéressait d’autant plus que l'enjeu n'était pas de proposer une philosophie pour les soignants, depuis un bureau, mais plutôt de philosopher avec les soignants, sans tabou, en acceptant le risque de soulever des questions difficiles ou sensibles. Je me retrouve dans cette approche. 

Quelle est ta mission au Grand Hôpital de Charleroi ? 

La mission qui m’a été confiée consiste à accompagner le personnel de santé et à co-construire, avec lui, des réponses aux questions existentielles et de sens qu'il se pose.

Concrètement, que vas-tu faire ? As-tu la solution à cette problématique de la perte de sens ? 

Bien entendu, je n'ai pas de réponse toute faite ni de recette miracle. En tant que philosophe, mon projet est d'institutionnaliser la pratique de la philosophie à travers l'encadrement d'espaces de discussion au cœur de l'hôpital. Je viens en toute humilité et je n’ai évidemment pas de leçon à donner à des personnes qui font leur métier depuis de nombreuses années.

Mon rôle est de donner du temps à la réflexion, de prendre de la distance grâce à différents leviers : livres, podcasts, vidéos… Je suis là pour aider les soignants à prendre du recul sur leur pratique et leur permettre de faire face. Au-delà de la question du sens, ce sont tous les problèmes de société que nous pourrons aborder : la violence, la rentabilité dans le système de santé, les conflits générationnels (« c’était mieux avant »), etc.

Ce travail pourra prendre la forme d’ateliers, de formations ou de rencontres avec des intervenants extérieurs. Le gros défi, c’est de trouver la formule qui s’adapte aux horaires et aux contraintes de chacun. Je vais donc expérimenter plusieurs pistes, m'appuyer sur ce qui existe déjà, et co-construire avec les soignants des formules qui leur conviennent et qui répondent à leurs besoins.

C’est une prise de risque d’engager un philosophe ? 

Dans un passage célèbre, Socrate se compare à un taon piquant un cheval, symbole de l'État athénien. Sans entrer dans le détail, cette image est riche d'enseignement pour entrevoir ce que peut devenir le métier de philosophe hospitalier dans le développement de l’éthique organisationnelle. Se mettre au service de l'institution sans craindre de se faire l'écho des problèmes les plus profonds et des questions qui fâchent, voilà une tâche complexe.

C’est, selon moi, une prise de risque qui en vaut la peine si on veut apporter l’écoute et le soutien nécessaires aux équipes. 

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Jérome